201706.23
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Avocat droit du travail : Le coût du temps de travail dans les Hôtels-Cafés-Restaurants (CHR) : les heures supplémentaires

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les heures supplémentaires




Les heures supplémentairesI- Le régime de base n’est pas favorable aux CHR


La loi fixe la durée légale de travail à 35h. Au-delà, les majorations s’appliquent à savoir :

  • 25% pour les 8 premières heures (soit de la 36ème à la 43ème heure) ;
  • 50% pour les suivantes (à partir de la 44ème heure).

Cependant, si une majoration de 10% est prévue par accord collectif, alors c’est ce taux qui s’applique, même si cela est moins favorable que le principe prévu dans le code.

Ainsi, la convention collective des CHR permet une durée du travail à 35h, mais aussi à 39 h par semaine.

Le CHR peut payer les heures supplémentaires en majoration de salaire ou accorder au salarié un repos compensateur.

Dans les CHR, les taux de majoration de salaire pour heures supplémentaires sont les suivants :
• + 10 % pour les heures effectuées entre la 36e et la 39e heure ;
• + 20 % pour les heures effectuées entre la 40e et la 43e heure ;
• + 50 % pour les heures effectuées à partir de la 44e heure (Article 5 Avenant n°2 du 5/2/2007 de la convention collective des CHR)

Exemple : salaire horaire à 10€ brut donnera la 36ème heure à 11€.

Si vous optez pour un paiement sous forme de repos compensateur, celui-ci doit être pris dans l’année, et la proportion est la même : ex : les heures effectuées de la 36e jusqu’à la 39e donnent lieu à une récupération de 10% soit 1 h 06.

Les heures supplémentaires se décomptent en principe par semaine.

Cela veut dire que toute heure dépassant 35h par semaine doit être majorée ou récupérée.

Inversement, si le salarié réalise 33h par semaine alors que son contrat prévoit 35h, le CHR ne peut compenser les 2h non effectuées de la première semaine sur la semaine suivante.

Le contingent d’heures supplémentaires utilisable est ainsi fixé à :

– 360 heures par an pour les établissements permanents
et
– 90 heures par trimestre civil pour les établissements saisonniers.

Les heures compensées par un repos compensateur sont exclues du quota.

Si le CHR souhaite dépasser le quota d’heures supplémentaires, il n’a plus à demander l’autorisation de l’inspecteur du travail. Il doit, s’il y en a, consulter le comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel. De plus, les majorations supplémentaires aux majorations habituelles donneront lieu à un repos compensateur obligatoire qui s’ajoutera, égal à :

– pour les CHR de moins de 20 salariés, 50% du temps de travail accompli en heures supplémentaires,

– pour les entreprises de plus de 20 salariés : le repos compensateur obligatoire est de 50% l’intérieur du contingent et de 100% du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà du contingent.

Il n’est pas possible d’instaurer un forfait annuel d’heures supplémentaires payées et de ne pas payer celles en dehors du forfait indiqué par le CHR. Sinon, le CHR risque une revendication du salarié.

Il convient aussi de porter la mention d’heures supplémentaires sur le bulletin de salaire sinon le risque est que le salarié demande le paiement des heures supplémentaires, alors que le CHR lui aurait en réalité payé sous une autre forme non admise (primes, indemnités kilométriques, …)

Le CHR ne doit pas dépasser les durées maximales par jour : elle dépend de la catégorie de personnel ( ex : Personnel administratif hors site d’exploitation : 10 h 00, Cuisinier : 11h, Autre personnel : 11 h 30, Personnel de réception : 12 h ) ni par semaine (46h sur une période quelconque de 12 semaines consécutives ; la durée maximale hebdomadaire absolue est fixée à 48 heures)

Ce système n’est pas adapté aux CHR car il ne tient pas compte des fluctuations d’activités ni des saisons qui sont également inhérentes à la profession.

C’est la raison pour laquelle des systèmes plus souples ont été prévus et permettent d’alléger le coût des heures supplémentaires pour le CHR.


II- L’économie réalisée par le CHR en cas de convention de forfait :


Le Code du travail permet de conclure des conventions de forfait avec des cadres ou non cadres à conditions que ces salariés soient autonomes dans l’organisation de leur temps de travail compte tenu des responsabilités qu’ils ont (ex : Directeur de restaurant ou d’hôtel, …) (Article L3121-58 )

Dans ce cas, le temps de travail est décompté en jours par année, et non plus en heures par semaine.

La durée annuelle de travail du salarié est fixée à 218 jours (dont la journée de solidarité) sur une période de 12 mois.

Ainsi les heures supplémentaires effectuées dans le cadre de ce forfait, ne sont pas payées car le temps de travail est décompté en jour : 218 jours par an.

Le CHR doit respecter les règles sur les congés payés, jours fériés et de temps de repos.


En ce qui concerne l’activité particulière des CHR, avant l’adoption de l’accord de branche du 16 décembre 2014, la Cour de Cassation avait invalidé les dispositions de l’accord collectif qui selon elle, n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables ( Cour de cassation 7 juillet 2015)

L’accord de branche du 16 décembre 2014 a été adopté et indique que :

  • l ’employeur tient un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le positionnement et le nombre et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, y compris pris et à prendre au titre de la réduction du temps de travail, congés payés, jours fériés). Il indiquera également si le temps de repos entre 2 jours de travail a été respecté. Ce document sera émargé chaque fin de mois par le salarié, qui en conservera une copie. Ce document sera tenu à la disposition de l’inspection du travail et permettra au supérieur hiérarchique :

* de vérifier le respect des dispositions du présent accord et d’alerter individuellement tout salarié pouvant se trouver en situation de dépassement du nombre de jours travaillés autorisé dans la période de référence ;

* d’assurer un suivi de l’organisation du travail du salarié, afin de veiller à ce que l’amplitude et la charge de travail soient raisonnables. Au regard des conclusions de ce suivi, des entretiens individuels pourront avoir lieu en cours d’année pour évoquer l’organisation du travail et la charge de travail.  En tout état de cause, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l’amplitude de ses journées d’activité, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale (article 2-4).

  • il y a un droit à la déconnexion des outils de communication par le salarié pendant les heures de repos.

Pour être applicable, cet avenant restait en attente d’un arrêté d’extension : l’arrêté du 29 février 2016 (Jo du 8 mars 2016), entrant en vigueur au 1er avril 2016 . Il indique en 2.4 relatif au suivi du temps de travail que l’accord collectif ou l’accord de branche précise les modalités concrètes de suivi de la charge de travail (ceci afin de satisfaire les exigences jurisprudentielles précitées).

Les dispositions de l’article 2.4 relatives au suivi du temps de travail doivent donc être précisées par d’autres accords collectifs.

En ce qui concerne les cadres, l’avenant du 22 bis du 7 octobre 2016 relatifs aux seuls cadres autonomes indiquent que :

  • Les catégories de salariés pouvant donc être soumis à une convention individuelle de forfait en jours sur l’année sont les cadres relevant du niveau V de la grille de classification de la convention collective nationale des HCR et bénéficiant d’une rémunération moyenne mensuelle sur l’année, qui ne peut être inférieure au plafond mensuel de la sécurité sociale.
  • Le décompte des journées et demi-journées travaillées se fait sur la base d’un système auto-déclaratif faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaires, congés payés, jours fériés …) ainsi que le nombre de jours de repos au titre de la réduction du temps de travail pris et ceux restant à prendre.
  • L’organisation du travail de ces salariés devra faire l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui veillera notamment aux éventuelles surcharges de travail. Pour cela, l’employeur procèdera à une analyse de la situation et prendra, toutes dispositions adaptées pour respecter, en particulier, la durée minimale du repos quotidien et de ne pas dépasser le nombre de jours travaillés, et ce dans les limites conventionnelles. La charge du travail confiée et l’amplitude de la journée d’activité en résultant, doivent permettre à chaque salarié de prendre obligatoirement le repos quotidien visé ci-dessus ; la durée minimale de ce repos est fixée légalement à 11 heures prises d’une manière consécutive et, si nécessaire, selon les modalités de l’article 21.4 de la convention collective nationale des HCR. De plus, ces cadres doivent bénéficier du repos hebdomadaire selon les modalités prévues à l’article 21.3 de ladite convention collective. Ainsi, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine.
  • En tout état de cause, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait jours devra bénéficier chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l’amplitude de ses journées d’activité, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.
  • A la demande du salarié, un deuxième entretien pourra être demandé et l’employeur ne pourra pas le refuser.
  • Dans le cadre de l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, la sécurité et la santé du salarié et notamment afin de garantir le respect des durées maximales du travail, l’employeur veillera à rappeler au salarié que le matériel professionnel mis à sa disposition, tels qu’ordinateur ou téléphone portable, ne doit pas, en principe, être utilisé pendant ses périodes de repos.

En d’autres termes, le salarié bénéficie d’un droit à la déconnexion pendant les jours fériés non travaillés, les repos hebdomadaires et les congés payés.

Le salarié n’est pas tenu de travailler au-delà du plafond de 218 jours. Mais, le salarié peut, s’il le souhaite, en accord avec l’employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos, dans la limite de 10 jours par an.

La rémunération de ces jours de travail supplémentaires donne lieu à majoration à hauteur de : 15 % pour les 5 premiers jours supplémentaires et 25 % pour les jours suivants. En tout état de cause, le nombre maximum de jours travaillés fixé conventionnellement doit être compatible avec les dispositions du code du travail relatives au repos quotidien, hebdomadaire, aux jours fériés chômés dans l’entreprise et aux congés payés.

Les obligations imposées pour le « suivi de la charge de travail du salarié et de l’amplitude de travail» par l’employeur du caractère raisonnable de la charge de travail du salarié étaient déjà imposées par la Cour de Cassation de sorte qu’il est impossible de parler d’innovation sur ce point.

Les seuls apports réels de loi El Khomri sont :

  1.  la renonciation à une partie des jours de repos par le salarié en forfait jours vaut seulement pour l’année en cours et ne peut être reconduite de manière tacite ,
  2.  les conditions de prise en compte pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.

Les conventions de forfait sont donc par principe tout à fait valables et le CHR est juste invité à être vigilant sur les clauses insérées dans ces conventions.

A défaut, le salarié peut demander en justice leur annulation. Dans ce cas, le CHR devra payer l’intégralité des heures qui auraient été effectuées dépassant les 35h par semaine et des dommages intérêts pour travail dissimulé ou tout simplement non déclaration et non-paiement des heures supplémentaires Ce qui peut représenter des sommes importantes.

ex : dans notre exemple : l’employeur devra 8 heures supplémentaires par semaine majorées à 10, et 20%  comme indiqué ci-dessus.

Ex : si annulation de la convention de forfait annuelle : 5h supplémentaires par jour pendant 218 jours par an= 1090h supplémentaires à régler qui devront être majorées comme indiqué ci-dessus (I).


Il est donc nécessaire de bien encadrer et rédiger cette convention de forfait car :


  • elle ne s’applique qu’à certains salariés :  ceux autonomes dans l’organisation de leur temps travail,
  • elle doit être rédigée scrupuleusement avec les clauses obligatoires.

Ce risque peut coûter cher aux CHR si les conventions de forfait ne sont pas bien ciblées et bien rédigées.


Il est donc déconseillé de prendre des modèles sur Internet de conventions de forfait car la plupart du temps, elles seront inadaptées au cas précis et présentent un grand risque d’être annulées.


Les négociations des  Organisations professionnelles, notamment l’UMIH, avec les pouvoirs publics a permis de dégager un autre mode d’organisation du temps de travail : l’annualisation du temps de travail.


III – Le régime de l’annualisation permet une souplesse et une réduction des coûts pour les CHR :


Une clause d’annualisation du temps de travail permet de programmer sur 1 an le temps de travail de l’ensemble des salariés concernés.

Le temps de travail est donc décompté en heures sur l’année (durée du travail de référence : 1607h), et non par semaine (35 ou 39h).

Ainsi :

  • si le salarié travaille 33h sur une semaine ou 143h sur un mois, ce manque à gagner pour le CHR pourra être compensé par les heures supplémentaires réalisées par le salarié la semaine (ex : 40h de travail soit 5h supplémentaires) ou le mois suivant (173h).

Dans notre exemple, les 2 heures en moins seront compensées par 2h supplémentaires la semaine suivante, et les 3 heures restantes seront compensées par les 32h par semaine effectuées la troisième semaine.

Cette compensation peut se faire sur une période d’un an, si bien qu’il n’y aura pas de paiement d’heures supplémentaires jusqu’à 1607 heures par an.

S’il travaille plus que la durée annuelle de 1607 heures, l’entreprise devra lui régler ses heures supplémentaires majorées à un taux légèrement différent, pour la 3e tranche, à savoir  entre :

– 1.607 heures et 1.790 heures (correspondant en moyenne aux 36e, 37e, 38e et 39e heures) : elles sont majorées de 10% ;

-1.791 heures et 1.928 heures : elles sont majorées de 20 % (correspondant en moyenne aux 40e, 41e et 42e heures) ;

1.929 heures et 1.973 heures : elles sont majorées de 25 % (correspondant en moyenne à la 43e heure) ;

-à partir de 1 974 heures : elles sont majorées de 50 % (correspondant en moyenne à la 44e heure et au-delà).


Ce système est intéressant pour les CHR permanents, c’est-à-dire qui travaillent à l’année.

Il est également très intéressant pour les établissements saisonniers : ils sont autorisés à avoir recours à l’annualisation du temps de travail au prorata de la période choisie par le CHR, qui peut correspondre à celle d’ouverture de l’établissement pendant la saison, mais peut-être plus courte.

 À titre de comparaison entre régime légal et régime annualisé :

1-1) dans le régime légal (cas n°I) :

Si la saison est sur 4 mois : le salarié (Niveau III échelon 2) travaille 1607h x 4 mois / 12 mois (47 semaines) = 535,40 heures sur la période. Il faudra légalement payer des heures supplémentaires majorées au-delà des 35 heures par semaine.

 

Salaire de base : 1 600 € pour les 35 premières heures (non majorées) : 10,56 (taux horaire minimum conventionnel) x 35 (heures/semaine) x 4,33 semaines dans le mois) = 1 600, 37 € bruts pour 35 heures/semaine soit 10,56 €/h.

Taux de majoration :

  • Majoration à 10% : 10,56 x 110% = 11,62€
  • Majoration à 20% : 10,56 x 120% = 12,67€
  • Majoration à 50% : 10,56 x 150% = 15,84€

Nombres d’heures par semaine x 18 semaines (du 22 mai au 22 septembre 2017) :

Pour les 36ème à 39ème heure : 11,62 x 4 heures = 46,48 €

Pour les 40ème à 43ème heure : 12,67 x 4 heures = 50,68€

Pour les 44ème à 47ème heure : 15,84 x 4 heures = 63,36 €

Si le salarié effectue 46 h par semaine, il effectue donc 828 heures sur la période de 4 mois : les 11 heures supplémentaires par semaine coûteront à l’entreprise : 144,68€ / semaine soit sur 4 mois : 2505,86€ + 10% de CP (250,59€) = 2756,45€ bruts à régler en plus du salaire de base (minimum 1600€ brut) + 160 € de congés payés, soit un coût pour l’entreprise de 4516,45 € brut, soit avec les charges patronales, un coût de 6413 €


 1-2 ) le régime annualisé sur l’année ou sur la période de référence :


Avec le régime annualisé, il n’y aura aucun coût d’heures supplémentaires majorées si le salarié compense les 11 heures supplémentaires effectuées sur une autre semaine sur la période.

Si le salarié travaille plus que 1607h dans l’année, ou au prorata de la période de référence (dans notre exemple : (535,40 h), le CHR devra alors payer les heures supplémentaires même si le salarié travaille 46h par semaine sur une période de 12 semaines.

Le régime annualisé est donc plus souple pour le CHR mais doit être bien encadré dès la rédaction des contrats de travail. Il est également possible de passer l’annualisation du temps de travail par voie d’avenant en respectant un certain nombre de conditions légales.

Le CHR a donc intérêt à opter pour la solution la meilleure en termes de temps de travail et en termes de coûts et à avoir recours à un Avocat spécialiste des CHR pour réaliser des économies importantes et éviter le risque de condamnation devant le Conseil des Prud’hommes.




SELARL Cabinet d’avocats

Sophie PETROUSSENKO

Avocat à la Cour

72 avenue de WAGRAM 75017 PARIS

Tel : 0156810580 Fax : 0142966492

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