Le locataire doit-il payer tous les frais d’entretien et de réparation des locaux commerciaux ?
Entretien et réparation des locaux commerciaux
La répartition des charges et travaux entre le propriétaire et le locataire est encadrée pour les baux conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014 (dite loi Pinel du 19 juin 2014).
Le bailleur ne peut plus faire supporter à son locataire toutes les charges comme il pouvait le faire avant cette loi.
Pour les baux conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014
Obligations pour le bailleur en termes d’information de son locataire
Les charges autres que les travaux
Dès la conclusion du bail, le bailleur doit annexer à celui-ci :
– un état des risques naturels et technologiques du périmètre dans lequel sont situés les locaux loués (ERNT) ;
– un diagnostic de performance énergétique (DPE) ;
– un diagnostic plomb est obligatoire pour les locaux mixtes (à usage commercial et d’habitation) ;
– une annexe environnementale pour les locaux à usage de bureaux ou commerces de plus de 2 000 m2.
Le bailleur doit aussi joindre un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts et taxes avec une répartition entre le locataire et le propriétaire, mais aussi entre les différents locataires de locaux situés dans un même ensemble immobilier en précisant la surface exploitée par chacun et pour chaque catégorie de charges. Le locataire ne peut pas être responsable des charges non précisées dans l’inventaire stipulé au contrat de bail (Cour d’appel du 3 mars 2022 n° 18-04.413).
De même, une fois par an, le bailleur doit adresser au locataire – au plus tard le 30 septembre – un état récapitulatif des charges (pour les immeubles en copropriété, dans les trois mois suivant la reddition des charges).
Les travaux
Le bailleur doit, tous les trois ans, communiquer au commerce locataire un état récapitulatif des travaux qu’il envisage de réaliser avec un budget prévisionnel et un état des travaux réalisés durant les trois années précédentes. Ces informations doivent être communiquées au commerce locataire dans un délai de deux mois à compter de chaque échéance triennale.
Quelles sont les charges et travaux obligatoirement assumés par le propriétaire ?
Les charges
Le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 d’application de la loi Pinel n° 2014-626 du 18 juin 2014 dresse une liste des charges qui ne peuvent pas être répercutées sur le locataire commercial, comme par exemple :
– les impôts, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble, notamment la contribution économique territoriale (CET) ;
– les honoraires liés à la gestion des loyers ;
– dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.
Cependant, le bailleur peut imputer au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière, et les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local, de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement.
Les travaux
Ils concernent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.
Sont obligatoirement à la charge du propriétaire les grosses réparations : gros murs, voûtes, rétablissement des poutres et des couvertures, digues, et mur de soutènement et de clôture (article 606 du code civil).
Exemple : si un bailleur inclut dans les charges de son locataire les dépenses de réparation de toiture et de ravalement, celui-ci peut les contester auprès de son bailleur ou devant le juge.
Le bailleur doit aussi prendre en charge les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve avec la réglementation, dès lors qu’il relève des grosses réparations (article 606 du code civil).
Si le propriétaire des locaux vient à changer alors que l’ancien propriétaire a été condamné par la justice à effectuer des travaux au titre de son obligation de délivrance, le nouveau propriétaire doit aussi exécuter cette obligation.
Il en est de même lorsqu’une vente aux enchères d’un immeuble est réalisée avec un cahier des charges annexant un jugement de condamnation du bailleur à réaliser des travaux (Ccass. 3e civ. 21 février 2019, n° 18-11.553). Dans ce cas, le locataire peut s’en prévaloir pour contraindre le nouveau bailleur à réaliser les travaux.
Avant d’acheter un commerce avec un bail en cours, l’acheteur devra être vigilant quant au montant des travaux à réaliser à la charge du bailleur. Il devra s’en enquérir auprès du cédant car le propriétaire des murs peut obtenir la résiliation du bail si, au cours de ce dernier, le montant des travaux à réaliser par lui dépasse la valeur des murs loués (articles 1722 et 1741 du code civil). Cette valeur s’apprécie en fonction de celle actuelle des murs loués, mais également et notamment des revenus procurés par les murs (c’est-à-dire le montant des loyers). Dans ce cas, le bailleur pourra obtenir la résiliation de plein droit sur le fondement de la destruction ou de la perte de la chose louée.
La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt concernant un hôtel-restaurant-pension de famille s’agissant de travaux de mise en conformité prescrits par l’autorité administrative à la charge du bailleur (Cour de cassation. 3e civ. 20 décembre 2018, n° 16-23.449).
En d’autres termes, si l’immeuble vaut 300 000 €, que les travaux sont de 450 000 € et que le loyer mensuel de 600 €, le bailleur ne pourra les répercuter qu’au bout de 62 ans. Dans ce cas, une résiliation du bail à la demande du propriétaire des murs pourrait être obtenue.